Production

1980

Liz Magor au sujet de l'œuvre Production

Ma perception de l’identité a certainement changé, mais probablement pas de manière notable. C’est peut-être typique de quelqu’un qui se rend compte, en vieillissant, que personne n’est unique ou spécial en tant qu’individu. En fait, j’ai testé ma tolérance à la répétition et à l’uniformité avant de réaliser les pièces en plomb. Four Boys and a Girl, par exemple, se compose de cinq blocs de matériaux compressés et de la machine ayant servi à les compacter. S’en est suivie Production qui, à l’aide d’une machine capable de compresser quatre briques à la fois, en a fabriqué des milliers. Je voulais établir une tension entre le producteur et le produit, faire passer le nombre avant la pièce unique.

Lesley Johnstone, « Entretien avec Liz Magor », dans Liz Magor, Montréal, Musée d’art contemporain de Montréal; Zurich, Migros Museum für Gegenwartskunst; Hamburg, Kunstverein, 2016, p.10-11.

Journaux, bois, acier, environ 2500 briques en papier
Machine : 134,6 × 81,3 × 61 cm
Chacune des briques : 5,1 × 10,2 × 20,3 cm
Photo no.1 : Richard-Max Tremblay

Collection du Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa
Acheté en 1984

Production

1980

Production est une œuvre de 1980. Probablement commencée en 1979. Je faisais alors de l’art depuis huit ou neuf ans. Je me rendais bien compte que l’art est une pratique difficile et profonde, et je doutais de ma capacité à être une bonne artiste. Alors j’ai décidé de ralentir et de cesser de chercher à constamment générer de nouvelles idées, être la plus branchée et la mieux informée. Ce qu’on pense qu’on doit être dans la vingtaine ou la trentaine. Toujours aux premières loges. Je me suis dit que j’allais ralentir, relaxer et faire la même chose jour après jour. Je me suis alors donné la tâche de fabriquer ces briques à partir de papier journal. J’ai fabriqué quatre briques à la fois, huit heures par jour, quatre ou cinq jours par semaine pendant plusieurs mois. Je crois qu’au total j’ai produit trois mille briques. Je me suis arrêtée… au moment où la qualité méditative de l’activité a commencé à diminuer. Et puis j’en avais fabriqué suffisamment pour encercler la machine, comme si le produit avait fait disparaitre son fabricant. C’était une idée que je trouvais intéressante. Les huit premières années où j’ai fait de l’art, je me disais que je passerais ma vie à créer des objets qui finiraient par avoir une vie plus durable et plus intéressante que moi. Je me sentais comme une esclave ou une servante face à cette occupation que j’avais choisie. Alors, la quantité de briques est devenue monumentale, et la machine, de moins en moins importante, même si c’est elle qui les produisait.