Liz Magor au sujet de l'œuvre Being This
24 d'une série de 78 boîtes, papier, textiles et matériaux trouvés
48,2 × 30,5 × 6,3 cm (chaque boîte, approx.)
Avec l’aimable permission de Catriona Jeffries, Vancouver
Ce grand mur avec de nombreuses boîtes de vêtements… des pulls, des chemises, des blousons, s’intitule Being This. Pour réaliser cette pièce, j’ai dû m’y prendre différemment. Le moulage pour réaliser une sculpture est un procédé laborieux, coûteux et difficile, mais il me plaît en raison de ce qu’il permet. Dans un moulage, il y a une partie creuse. L’objet semble plein, mais il est creux, ce qui permet d’y mettre quelque chose. Je m’intéresse beaucoup à cette question d’apparence réelle, mais je ne peux pas faire des moulages tout le temps. Il faut aussi que je fasse quelque chose de plus rapide et de plus simple afin d’activer mon imaginaire sans trop d’engagement. Beaucoup d’artistes trouvent cet espace de légèreté et de spontanéité dans le dessin. Je n’y suis jamais parvenue; ça devient un autre problème pour moi. Certaines des œuvres de l’exposition ont été créées plus rapidement… D’une certaine façon, ce sont comme des dessins ou des tableaux…
Le processus pour réaliser Being This a été rapide. Disons que j’ai commencé par chercher des vêtements dans des lieux comme le Village des valeurs. Ce sont de grands magasins d’articles de seconde main. Je vais régulièrement au Village des valeurs à Vancouver. Je cherche des trésors, mais j’y vais aussi pour voir ce qui n’a plus de place chez les gens et qui se retrouve sur le chemin des déchets. Le Village des valeurs est l’étape qui précède les poubelles. Ce qui signifie que la plupart des choses qui s’y trouvent ont perdu leur charme. Elles sont dépassées ou sur le point de l’être. C’est vraiment intéressant. On est amené à se demander ce qu’est le charme. L’objet est le même, mais il a perdu quelque chose. Donc, je suis allée au Village des valeurs et j’ai vu ces vêtements que j’appelle des « vêtements anxieux ». Souvent, ils sont trop décorés, ils ont trop de paillettes ou une profusion de couleurs qui leur donne un côté hystérique. Parfois, ils affichent le nom d’un collège ou d’un club. Il y a des vêtements qui sur-identifient, je crois.
Alors, j’ai accumulé ces vêtements et je me suis retrouvée avec des tas et des tas de vêtements anxieux. Ensuite, j’ai accumulé une foule de vêtements diaphanes, en filet, en tulle ou en tissu transparent. Puis, j’ai commencé à faire une sorte de collage en les superposant. Je voulais créer des couches de signes. Parce qu’avec les vêtements anxieux, ces signes s’efforcent anxieusement de nous dire quelque chose. Et je voulais réduire cette anxiété. J’essaie d’empêcher ce bavardage ou ces significations. Donc en rendant les signes très confus et en les regroupant, ça avait pour effet de les faire taire. Ça neutralise pratiquement la voix. Puis, dans presque toutes les boîtes, il y a une forme qui rappelle une main qui pointe quelque chose. Comme si on pointait son propre porte-nom ou une autre forme d’identification qui nous définit. Parce que s’annoncer soi-même, c’est aussi une source d’anxiété : « Je suis ici. Je suis moi. Je suis dans une foule, mais regardez-moi !» Ce désir d’être visible et important est un désir qui n’a pas de fin et qui cause beaucoup de souffrance et d’anxiété; c’est difficile à surmonter. Dans cette œuvre, chaque pièce est une sorte de caricature de ce processus.